Histoire de l’église Saint-Charles à Marseille

Historique de l’église Saint-Charles Borromée

Il existait avant 1789 deux lieux de culte dans le quartier : l’église du couvent des Picpus, à l’emplacement de l’annexe du Palais de justice, victime du vandalisme révolutionnaire, et l’abbaye Saint-Victor.

Au rétablissement du culte en 1801, toute la rive sud du Vieux Port dépendait donc de la paroisse Saint-Victor, dont le territoire était trop étendu, l’église trop petite et d’autant plus malcommode qu’elle se trouvait à l’extrémité de la ville d’alors. Il devint donc nécessaire de construire une nouvelle église.

La difficulté de trouver un terrain dans ce quartier alors résidentiel a imposé d’abord d’aménager une modeste chapelle dans deux magasins situés à l’angle des rues Breteuil et Grignan. Cette chapelle était dédiée à Saint Jérôme, prénom de l’évêque d’alors, Mgr Jérôme Champion de Cicé (1802-1810).

L’église actuelle a été construite de 1826 à 1834 par Mouren et Guieu, entrepreneurs, le premier étant considéré également comme l’architecte, et consacrée le 3 novembre 1828, fête de Saint Charles, par Mgr Charles Fortuné de Mazenod, sous le patronage de Saint Charles Borromée, cardinal-archevêque de Milan (1538-1584). Elle est désignée sous le nom de Saint-Charles intra muros, l’église Saint-Charles extra muros étant celle de la Belle de Mai.
Les fonds nécessaires à la construction ont été fournis par des souscriptions des fidèles, des subventions municipales et un emprunt.

Des réparations seront nécessaires dès 1843, des lézardes étant apparues dans les voûtes à cause de l’instabilité du sol.
En 1850, les piliers soutenant la coupole seront recouverts de marbre. Ce revêtement sera complété en 1868. Il est l’œuvre du marbrier Cantini. Les travaux ont été effectués sous la surveillance de Condamin et Verdier, ingénieurs-architectes.

La paroisse Saint-Charles était le siège de la dévotion à Notre Dame des Malades, établie en 1858 par l’abbé Guiol, curé, qui implanta cette année l’archiconfrérie Notre Dame des Malades, fondée peu auparavant à Paris. Chaque samedi, une messe était célébrée à l’autel de la Vierge et des prières étaient dites à l’intention des malades recommandés. Cette dévotion a disparu au milieu du XXème siècle.

C’est à Saint-Charles que le jeune Marcel Pagnol reçut le baptême en avril 1898.
C’est également sur le territoire de la paroisse que mourut le Bienheureux Frédéric Ozanam en 1853. Une plaque commémorative placée près des fonts baptismaux rappelle cet évènement.

Description de l’église Saint-Charles Borromée

Pour mieux apprécier cette visite guidée de l’église Saint-Charles, nous vous invitons à naviguer en parallèle sur la vision 360° de son intérieur (remerciements à M. Chenoz).

Eglise Saint Charles 360

Il semble que le plan centré de l’église soit inspiré de celui de l’église des Picpus dont nous avons parlé, consacrée en 1749, détruite à la Révolution mais dont les ruines subsistaient au début du XIXème siècle.

Facade Saint CharlesLa façade :

D’un classicisme très sobre, la partie basse comporte quatre colonnes engagées de style ionique. Elle est séparée de la partie supérieure par un puissant entablement portant l’inscription dédicatoire : « à Dieu très bon et très grand sous l’invocation de Saint Charles Borromée, évêque et confesseur. 1828 ».

La partie supérieure est une copie presque conforme de celle de l’église des Chartreux, édifiée en 1680. Elle comporte quatre pilastres d’ordre corinthien entourant une fenêtre cintrée, le tout coiffé d’un fronton triangulaire surmonté d’une croix, et encadré de deux ailerons étroits.

Le côté donnant sur la rue Breteuil n’a pour sa part reçu aucun décor.

Toujours à l’extérieur, mais invisible depuis la rue, un minuscule clocher donne sur une cour privée située à l’arrière de l’église. Ses trois petites cloches, toujours sonnées manuellement, sont loin d’avoir un volume sonore suffisant pour concurrencer celui de la circulation automobile.

L’intérieur :

L’église est édifiée suivant un plan en croix grecque, prolongée par un sanctuaire peu profond. Au centre s’élève une coupole sans tambour, éclairée par un petit oculus. Autour de la nef, au-dessus des colonnes aux chapiteaux composites, court une élégante corniche. Aux quatre angles de l’église se trouvent quatre coupoles aplaties, tandis que les bras de la croix formée par le bâtiment sont couverts de voûtes en plein ceintre. L’abside à cinq pans est couverte d’une demi-coupole, perçée en son sommet d’un petit oculus.

Les murs et plafonds sont intégralement peints de fresques à décors géométriques ou floraux, sauf les écoinçons de la coupole principale qui portent les armoiries des papes et évêques ayant régné à l’époque de la construction de l’église : dans le sens horaire, en commençant au-dessus de la chaire, Léon XIII (pape de 1878 à 1903), Saint Charles, Mgr Louis Robert (évêque de Marseille de 1878 à 1900), Saint Eugène de Mazenod (évêque de Marseille de 1837 à 1861).

Blason Saint CharlesLa décoration en marbre du sol s’organise autour de la mosaïque centrale représentant le blason de Saint Charles Borromée reprenant le décor de la coupole. Le même dispositif est repris sous les quatre coupoles d’angle.

Cinq petits tableaux décrits comme assez médiocres ornèrent initialement le choeur. En 1837, le gouvernement attribua à l’église « L’adoration des Mages » peinte par Jean-Joseph Dassy (1796-1865) en 1836 à Rome et exposée au Salon de 1837.
Comme ses dimensions ne correspondaient pas à celles des autres toiles restées en place, quatre autres toiles furent commandées en 1838 à Augustin Aubert (1781-1857) représentant « la Crucifixion », « la Résurrection », « l’Ascension » et « la Transfiguration ».
Les autres tableaux de l’église ne sont pas documentés. Il s’agit d’un « Baptême du Christ » en mauvais état, placé au-dessus des fonts baptismaux, et d’un « Christ aux outrages » à droite de l’autel de Saint Charles, au-dessus du monument de Sainte Thérèse de Lisieux.

La statue de la Vierge, dite Notre Dame des Malades, surmontant l’autel qui lui est dédié dans la nef de gauche, est une oeuvre en carton-pierre d’Honoré Coder (1784-1845). Sont attribuées au même artiste les statues de Saint Joseph (face à l’autel de la Vierge) et de Saint Charles (au fond à droite) placées au-dessus des autels dédiés à ces saints.

La chapelle située au fond à gauche est dédiée au Sacré-Coeur.

Oeuvre principale de cette église, le maître-autel a été réalisé en 1891 par Jules Cantini, d’après celui de la chapelle des Bernardines réalisé en 1756 par Dominique Fossaty et que l’on peut admirer aujourd’hui à l’église Saint Cannat.
Le tombeau de marbre est orné d’incrustation de jaune de Sienne et porte aux angles deux têtes d’anges. Quatre colonnes de marbre rouge portent une frise, également de marbre, surmontée d’un spectaculaire couronnement de bois doré et peint. Le crucifix surmontant le tabernacle, scellé dans celui-ci, est en bronze doré.

Photo-St-Charles-032Un phénomène particulier et sans doute volontairement calculé se produit aux environs de Noël vers 11h15, soit au moment de la consécration de la messe de 10h30, lorsqu’un rayon de soleil, ayant traversé le vitrail situé au-dessus de l’orgue, vient éclairer directement le tabernacle.

Les quatre autels secondaires sont également de marbre, ainsi que les retables qui les surmontent.

La chaire a été réalisée à la fin du XIXème siècle d’après un modèle de l’architecte d’origine toulonnaise Gaudensi Allar. Elle est en bois, avec une cuve à cinq pans, ornée de panneaux émaillés représenant le Christ et les symboles des quatre évangélistes, entourés de colombes, de fleurs et de fruits.

Photo-St-Charles-043Du XXème siècle, on notera les statues de Saint Yves, patron des gens de loi, à côté de la chaire (le Palais de justice est tout proche), et de Saint Antoine de Padoue, oeuvre de Louis Castex (1868-1954), contre le pilier opposé. A côté de la statue de Saint Antoine se trouve une belle statue représentant le Christ aux outrages, rappelant la scène de la Passion où les soldats romains, l’ayant dépouillé de ses vêtements, couvert d’un manteau et couronné d’épines, lui crachèrent dessus en se moquant de lui.

L’orgue de tribune a été construit en 1859 par Aristide Cavaillé-Coll dans un buffet neuf de style Louis XV. Il a été harmonisé par Vincent Cavaillé-Coll, frère d’Aristide, et comprenait à l’origine 24 jeux sur 2 claviers et pédalier avec machine Barker. Il a coûté 38000 francs.
Le concert d’inauguration, par Louis Lefébure-Wély, eut lieu le 18 avril 1859.
Cet instrument a été restauré par le marseillais François Mader en 1883, par Charles Mutin en 1900, par l’entreprise Michel Merklin et Kuhn en 1933 (remplacement de la console, les claviers étant portés de 54 à 56 notes et le pédalier de 27 à 30). En 1971, René Renevier a restauré la machine Barker. En 2005, Sals et Henry ont restauré la soufflerie et en 2010, François Delange a installé deux ventilateurs neufs.
La partie instrumentale a été classée monument historique le 26 octobre 1982. Le principe d’une restauration complète a été voté en décembre 2002 mais elle ne pourra intervenir qu’après celle de l’intérieur de l’église.

L’orgue de chœur, situé derrière l’autel, a été construit par François Mader en 1883. Il n’est actuellement plus utilisable. De part et d’autre, on peut voir deux rangées de stalles réalisées dans un bois sombre, adossées à de grands panneaux de boiseries, sobrement sculptés d’éléments architecturaux.

Outre l’orgue, ont été classés monuments historiques au titre objet : le maître autel et son crucifix, les cinq tableaux du chœur, la chaire, les statues de la Sainte Vierge, de Saint Joseph, de Saint Charles, de Saint Antoine et de Saint Yves.

L’église Saint-Charles, édifice peu connu et peu étudié, laissé à l’écart des circuits touristiques bien que proche du Vieux Port, mérite du fait de ses qualités artistiques une plus grande attention. Riche d’un ensemble mobilier d’un particulier intérêt intact depuis sa construction, elle présente en outre un style et un décor néo baroque uniques dans notre ville.

Affectée depuis quelques années, par décision de l’archevêque de Marseille, à la célébration du rite romain dans sa forme extraordinaire (messe dite de Saint Pie V), elle demeure ouverte à toux ceux, paroissiens, fidèles de passage ou simples curieux, désireux d’y trouver les richesses de la Foi aussi bien que celles de l’art destiné à l’exprimer et à l’exalter.

Sources :

Jacqueline Magne et Christian Crès : « Marseille, Eglises et Art Sacré », éditions AGEP, 1991.
Jean-Robert Cain, article « Le grand orgue Cavaillé-Coll de Saint Charles IM », site internet du diocèse de Marseille « marseille.catholique.fr » le 15 juillet 2012.
Régis Bertrand et Jean-Michel Sanchez, article paru sur le blog « Sancarlo » le 3 mars 2007.
Wikipédia.